Contrôle technique et activités de conception, d’exécution et d’expertise d’un ouvrage : une étanchéité parfaite est exigée
Par une décision en date du 27 avril 2021, le Conseil d’Etat est venu rappeler les limites des prestations du contrôleur technique, qui ne saurait agir au stade des conceptions, exécutions ou expertises d’un ouvrage.
Le contexte de la décision
Dans le cadre d’un appel d’offre initié par la Ville de Paris pour la passation de plusieurs accords-portant sur des prestations de diagnostics et préconisations structures sur le bâtiment de la ville., un lot a été attribué, entre autres, à un groupement d’entreprises comprenant une société de contrôle technique agréée.
Le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande formulée par un candidat évincé dans le cadre d’un référé contractuel tendant à l’annulation de la procédure de passation.
L’affaire a été portée devant le Conseil d’Etat, qui a considéré que la Ville de Paris ne pouvait donc légalement attribuer l’accord-cadre, qui comprenait des prestations d’expertise et de conception d’un ouvrage, à un groupement d’entreprises comprenant un contrôleur technique.
De sorte que la procédure de passation devait être annulée.
Le Conseil d’Etat fonde sa décision sur deux principes tirés des dispositions du Code de la construction et de l’habitation :
- L’incompatibilité de l’exercice de mission de contrôle technique avec une exercice de conception, d’exécution ou d’expertise d’un ouvrage ;
- La position de tout lien de nature à porter atteinte à l’indépendance des contrôleurs techniques.
Contrôle technique et exercice de conception, d’exécution ou d’expertise d’un ouvrage : une incompatibilité stricte
L’article L.111-23 du Code de la construction et de l’habitation définit la mission du contrôleur technique :
« Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d’être rencontrés dans la réalisation des ouvrages.
Il intervient à la demande du maître de l’ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d’ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l’ouvrage et la sécurité des personnes.«
Le premier alinéa de l’article L.111-25 du même code pose le principe de l’incompatibilité de l’activité de contrôle technique avec toute activité de conception, d’exécution ou d’expertise d’un ouvrage :
« L’activité de contrôle technique prévue à la présente section est incompatible avec l’exercice de toute activité de conception, d’exécution ou d’expertise d’un ouvrage.«
Pour le Conseil d’Etat, il ressort de ces dispositions que : « le législateur a entendu prohiber toute participation à des activités de conception, d’exécution ou d’expertise d’ouvrage des personnes physiques ou morales agréées au titre du contrôle technique d’un ouvrage » étant précisé que «la circonstance que le marché en litige ne s’analyse pas, en lui-même, comme un marché de construction faisant appel à l’intervention d’un contrôleur technique est sans incidence sur l’applicabilité de cette règle. ».[1]
[1] Conseil d’État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 18 juin 2010, 336418
La participation du contrôleur technique à un groupement d’entreprises se livrant à des activités de conception, d’exécution ou d’expertise d’ouvrage : un obstacle à son indépendance
Le Conseil d’Etat poursuit son raisonnement en invoquant les dispositions de l’article R. 111-31 du CCH, lesquelles prohibent tout lien de nature à porter atteinte à l’indépendance du contrôleur technique.
La Haute juridiction considère que « ces dispositions font obstacle à la participation des personnes agréées au titre du contrôle technique à un groupement d’entreprises se livrant à des activités de conception, d’exécution ou d’expertise d’ouvrage, alors même que la répartition des missions entre les membres du groupement d’entreprises prévoirait qu’elles ne réalisent pas elles-mêmes des missions relevant du champ de l’incompatibilité prévue par l’article L. 111-25 du même code ».
En l’espèce, l’article 1.2 du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 1 disposait :
« Pour l’ensemble de ce patrimoine, la mission consiste à / – Réaliser des diagnostics des structures des bâtiments ou parties de bâtiments (…) / – A l’issue de ces diagnostics, établir des préconisations qui permettront au maître d’ouvrage de faire réaliser les travaux adaptés aux causes des désordres identifiées « . Selon son article 7.3, intitulé » Préconisations » : » A l’issue des prestations de diagnostic et d’analyse (…) le représentant du pouvoir adjudicateur pourra commander au titulaire l’établissement de préconisations dans le but de remédier aux défauts à l’origine des désordres structurels identifiés. / Ces préconisations devront permettre au représentant du pouvoir adjudicateur de commander les travaux correspondants. (…)«
Le Conseil d’Etat, après avoir analysé ces stipulations, en déduit que l’accord-cadre litigieux prévoyait la réalisation par ses titulaires de missions relevant des activités de conception et d’expertise d’un ouvrage au sens de l’article L. 111-25 du code de la construction et de l’habitation.
Conclusion
En attribuant l’accord-cadre, qui comprenait des prestations d’expertise et de conception d’un ouvrage, à un groupement d’entreprises comprenant un contrôleur technique la Ville de Paris a méconnu les obligations de publicité et de mise en concurrence.
Ainsi, aux termes de la décision du Conseil d’Etat, la procédure de passation du lot n° 1 » prestation de diagnostics et préconisations structures » concernant l’accord-cadre multi-attributaires de la ville de Paris est annulée.
CE, 27 avril 2021, Ville de Paris, n° 447221 mentionné aux tables du recueil Lebon.
Les limites posées par le Conseil d’Etat ne s’appliquent pas à BatiSafe qui, en sa qualité de bureau d’études techniques multidisciplinaire peut accompagner ses clients dans la conception, l’exécution et l’expertise de leurs bâtiments, en toute sérénité.