Lutte pour l’amélioration de la qualité de l’air intérieur : le bâtiment placé en première ligne
Vous avez dit amélioration de la qualité de l’air intérieur ? La crise sanitaire a rappelé les effets majeurs de la qualité de l’air intérieur (QAI) sur la santé des personnes et, l’impact des bâtiments sur cet enjeu sanitaire.
Le temps passé à l’intérieur des bâtiments, qu’il s’agisse des logements (bâtiments d’habitation) ou des lieux de travail (bâtiments tertiaires), s’est accru en raison de l’épidémie de COVID-19, replaçant l’amélioration de la QAI au cœur des préoccupations gouvernementales.
D’une manière générale, le développement des pathologies liées à l’exposition aux polluants chimiques (monoxyde de carbone, COV, plomb), biologiques (bactéries, virus, toxines) ou physiques (particules, fibres d’amiante, fibres minérales artificielles, radon, champs électromagnétiques) sur ces dernières décennies s’est accompagné d’une surveillance croissante des pouvoirs publics.
Malgré la création des articles L. 221-7 à L. 221-10 du Code de l’environnement dédiés à la qualité de l’air intérieur, les dispositions régissant la QAI ont longtemps eu un périmètre d’action et un impact limité en pratique. La réglementation à venir devrait répondre à cet enjeu devenu crucial.
Les avancées de la réglementation régissant la qualité de l’air intérieur
Depuis plusieurs années, les notions de performances énergétiques et environnementales se sont imposées comme des préoccupations sociétales prépondérantes, et ce, particulièrement dans le domaine du bâtiment. Bien que prise en compte, la qualité de l’air a occupé une place secondaire.
Le pouvoir réglementaire a mis en place différentes obligations participant à la qualité de l’air intérieur, dont l’efficacité s’est avérée variable :
- L’étiquetage des produits chimiques : Depuis le 1er janvier 2012[1] des dispositions réglementaires régissent l’étiquetage des produits chimiques (cloisons, faux plafonds, revêtement de sol, de mur ou de plafond, isolants, peintures, colles, vernis…) selon leur niveau d’émission en polluants volatils. Par ailleurs, il existe des labels et certifications, ainsi que des fiches de déclaration environnementales et sanitaires permettant de connaître l’impact sanitaire des matériaux ;
- L’abaissement des seuils réglementaires du radon : Le niveau de référence pour le radon, gaz radioactif, incolore et inodore, provenant de la désintégration de l’uranium et du radium présents de manière naturelle dans le sol et les roches, a été abaissé à 300 Bq/m3 au lieu de 400 Bq/m3 en valeur moyenne annuelle[2] ;
- La surveillance de la qualité de l’air intérieur : En parallèle, des dispositions réglementaires[3] ont rendu obligatoire la réalisation des mesures de surveillance de la qualité de l’air de certains établissements recevant du public[4] (ERP) tous les 7 ans :
- A compter du 1er janvier 2018 pour les établissements d’accueils collectifs d’enfants de moins de 6ans (crèches, halte-garderie) écoles maternelles et primaires ;
- A compter du 1er janvier 2020 pour les centres d’accueils et de loisirs, les collèges et les lycées ;
- A compter du 1er janvier 2023, cette obligation sera étendue à tous les ERP.
Cette surveillance implique :
- L’évaluation obligatoire des moyens d’aération de l’établissement ;
- La réalisation de campagnes de mesures des polluants réglementés (formaldéhyde, le benzène, le dioxyde de carbone et dans certains cas le tétrachloroéthylène ou percholoréthylène) par des organismes accrédités, sauf dans le cas où un plan d’actions de prévention a été mis en place à la suite d’une évaluation.
À la fin des années 2010, le législateur a décidé d’aller plus loin en intégrant cette problématique dès la construction des bâtiments, et en rappelant, indirectement, que les objectifs de performances énergétiques et environnementales ne peuvent être atteints au détriment des enjeux sanitaires.
Ces trois problématiques sont posées sur le même plan par La loi ELAN qui a modifié l’article L. 111-9 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) :
« Les performances énergétiques, environnementales et sanitaires des bâtiments et parties de bâtiments neufs s’inscrivent dans une exigence de lutte contre le changement climatique, de sobriété de la consommation des ressources et de préservation de la qualité de l’air intérieur (…) ».
Cette timide intégration s’est avérée inefficace dans la mesure où le décret annoncé, devant venir préciser les objectifs de qualité de l’air intérieur, n’est jamais paru.
D’une manière générale, il a été décidé, dans le cadre du 4ème plan national Santé Environnement (PNSE) pour la période de 2020 à 2024, de se concentrer sur les expositions et les effets de l’environnement sur la santé des populations et, ainsi, de replacer le bâtiment et ses dispositifs constructifs au centre de la lutte pour l’amélioration de la QAI.
[1] Arrêté du 19 avril 2011 relatif à l’étiquetage des produits de construction ou de revêtement de mur ou de sol et des peintures et vernis sur leurs émissions de polluants volatils
[2] Article R. 4451-10 du code du travail et R. 1333-28 du code de la santé publique.
[3] Articles R. 221-30 à R. 221-37 et R. 226-15 et R 226-16 du Code de l’environnement, Décret n° 2015-1000 du 17 août 2015 relatif aux modalités de surveillance de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant du public
Une opération de construction ou de réhabilitation peut impliquer, dans un premier temps, de démolir tout ou partie d’un bâtiment.
Pour les bâtiments construits en vertu d’un permis de construire délivré avant le 1er juillet 1997, date d’interdiction de l’amiante, un diagnostic devra obligatoirement être mis en œuvre avant le début des travaux de démolition.
En effet, le premier alinéa de l’article R 1334-19 du Code de la santé publique dispose :
« Les propriétaires des immeubles bâtis mentionnés à l’article R. 1334-14 font réaliser, préalablement à la démolition de ces immeubles, un repérage des matériaux et produits de la liste C contenant de l’amiante. »
Ce diagnostic implique le repérage, puis le retrait des matériaux amianté.
Le repérage en question porte sur les éléments visés par la liste C du décret, soit l’intégralité des matériaux susceptibles de contenir de l’amiante.
Le périmètre de ce repérage est plus étendu que celui effectué dans le cadre de l’établissement du Dossier Technique Amiante, et n’implique pas un seul repérage visuel, mais bien la réalisation de sondages destructifs.
Ce repérage doit être réalisé par un diagnostiqueur certifié par un organisme accrédité COFRAC.
De nouveaux leviers d’action pour améliorer la qualité de l’air intérieur
L’année 2021 devrait être « l’année de la QAI », avec l’entrée en vigueur de dispositions législatives et réglementaires fixant et précisant le rôle du bâtiment aux différentes étapes clés de sa vie dans l’amélioration de la QAI.
La prise en compte du renouvellement de l’air au sein des bâtiments au stade de leur conception
L’ordonnance recodifiant le Code de la construction et de l’habitation (CCH) a offert à la qualité de l’air intérieur son chapitre dédié, applicable à compter du 1er juillet 2021.
Il est notamment prévu que « les bâtiments sont conçus, construits et entretenus en préservant la qualité de l’air intérieur » (Article L. 153-1 du CCH).
Si la qualité de l’air était déjà expressément visée dans le CCH, les moyens d’atteindre cet objectif général sont plus développés dans la nouvelle version du Code de la construction, et rendent cet enjeu plus concret.
Ainsi, la notion de renouvellement de l’air occupe désormais une place importante dans le processus d’amélioration de l’air intérieur.
La dimension sanitaire dans l’acte de construire se trouve renforcée et détaillée sur le plan législatif, mais devra, là encore, être précisée sur le plan réglementaire sous peine de demeurer une liste de grands principes dépourvus d’efficacité.
La Réglementation environnementale 2020 (RE 2020), très attendue, devra remplir ce rôle.
RE 2020 : la place centrale de la qualité de l’air intérieur
Après de nombreux décalage, la Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020) devrait être publiée dans les prochains mois.
En revanche, sa date d’entrée en vigueur a été repoussée, au 1er janvier 2022.
Cette réglementation, qui a vocation à remplacer la RT 2012, fixe un objectif principal pour les nouveaux bâtiments : produire plus d’énergie qu’ils n’en consomment. En parallèle, la RE 2020 met en exergue la nécessité de protéger la qualité de l’air intérieur.
Il est constant que la ventilation participe à l’amélioration, ou à la dégradation de la qualité de l’air intérieur. Les bâtiments étant toujours plus hermétiques, afin de remplir les objectifs de performances énergétiques et environnementales, l’efficacité de la ventilation à l’intérieur du bâti s’avère être un enjeu primordial sur le plan sanitaire afin de lutter contre l’apparition de bactéries ou la propagation de virus affectant les voies respiratoires.
La RE 2020 entend notamment instaurer un système de contrôle des installations de ventilation lors des opérations de réception des bâtiments neufs :
- En mesurant notamment les débits d’air et de pression, la vitesse d’air, la puissance électrique, l’étanchéité du réseau ;
- En vérifiant les réglages des bouches d’extraction ;
- En contrôlant les paramètres de régulation (sondes CO2) et de programmation.
Cette obligation, qui porterait dans un premier temps sur les bâtiments neufs d’habitation pourrait être étendue, à terme, aux bâtiments neufs tertiaires.
Pour les logements anciens, l’article R. 134- 2 du CCH modifié par le décret n° 2020-1609 du 17 décembre 2020 relatif au diagnostic de performance énergétique et à l’affichage des informations relatives à la consommation d’énergie des logements dans les annonces et les baux immobiliers intègre une information sur les conditions d’aération et de ventilation dans le diagnostic de performance énergétique (DPE). Cette disposition sera applicable à compter du 1er juillet 2021.
Cette dernière mesure s’avérera d’autant plus efficace avec l’entrée en vigueur des dispositions conférant au DPE une véritable valeur contractuelle, l’information précitée étant opposable au vendeur comme au bailleur.
Dans un premier temps, il est toutefois probable que l’idée consiste davantage à sensibiliser le grand public à la problématique de la qualité de l’air intérieur, au-delà de la crise sanitaire actuelle, que de sanctionner sur le plan juridique.
La publication à venir de la RE 2020 devrait venir confirmer ces postulats, et donner, de ce fait, un cadre plus concret à la QAI.
Conclusion : au-delà de la réglementation, les bonnes pratiques à adopter
S’il est indiscutable que la réglementation a un rôle de premier ordre à jouer pour l’amélioration de la qualité de l’air, des gestes simples peuvent être adoptés pour assainir l’air intérieur.
Au stade de l’exécution des travaux, les produits contenant des polluants (colles, peintures, etc.) doivent être mis en œuvre conformément à leur fiche technique, en respectant notamment les temps de séchage et les conditions de ventilation indiqués.
En parallèle, il est recommandé aux occupants des logements ou des bâtiments tertiaires d’aérer plusieurs fois par jour, même par temps froid. Pour rappel, l’aération régulière constitue l’un des gestes barrières officiels préconisés par le gouvernement dans la lutte contre l’épidémie.
Dans la même optique, les appareils de ventilation doivent être régulièrement entretenus et contrôlés.
Si l’amélioration de la qualité de l’air intérieur était déjà une préoccupation sanitaire importante avant la crise COVID, cette problématique est amenée à occuper une place primordiale dans le contexte actuel.
Le monde du bâtiment et ses acteurs doivent s’attendre à une multiplication de la réglementation régissant ces aspects dans les prochaines années et anticiper les nouvelles exigences, en mettant en place des outils permettant de limiter les coûts de mise en conformité et, in fine, de valoriser leurs bâtiments.